J’avais 21 ans, j’ai testé positifs sur le petit bâton bleu, vous savez celui sur lequel il faut faire pipi… Je me souviens, mon sourire partait, revenait, partait, revenait, il n’était pas certain de ce qu’il était en train de vivre, il ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise nouvelle qui arrivait dans notre jeune vie couple. Je me suis assise, j’ai pesé les pours et les contres, les contres étaient remplis de »din coup que » alors nous avons décidé de foncer.
Ce que je savais c’était qu’un bébé c’était une immense dose de responsabilités et que j’avais envie de relever le défi, de devenir la maman de ce petit coco qui était déjà là depuis quelques semaines… Le compte à rebours était commencé, bien qu’il y avait de la neige comme ce n’était pas possible, quand les feuilles commenceraient à virer au rouge j’aurais un petit bébé à promener… La bédaine s’est mise à grossir, le regard des gens venait de changer… Chaque regard avait son mot à dire. Chaque regard parlait comme si moi, je n’avais pas de yeux pour les voir. C’était un mélange de dédain, d’incompréhension, j’avais cette binette qui m’était propre mais qui ne donnait aucune crédibilité au ventre que je portais. J’étais une femme, mais depuis que j’avais cette bédaine, les gens se sont mis à me parler comme si j’avais 8 ans, comme si j’étais trop jeune…
Mon bébé est arrivé, j’avais maintenant 22 ans et d’un coup j’ai perdu toute ma crédibilité en même temps que mon placenta. Les madames dans les CLSC se sont mises à me parler comme si j’étais une épaisse finie, une infirmière m’a fait pleurer parce qu’en posant des questions sur les coliques elle m’a répondu: «Mais ma belle pauvre toi, c’est ça avoir un bébé…». NON CE N’EST PAS ÇA AVOIR UN BÉBÉ, avoir un bébé c’est poser des questions pour essayer de trouver des solutions, pas pour se faire regarder comme la dernière des connes, avoir un bébé, c’est un apprentissage de tous les jours avec parfois des murs à escalader qui ne finissent plus de finir et madame vôtre rôle était de m’encourager, pas de me regarder comme si j’avais fait une gaffe ou que j’avais signé un contrat sans avoir lu les minuscules caractères noirs. Ma crédibilité je l’ai prise dans un mot : Éducatrice. J’étais une éducatrice et je me suis rendue compte que quand je disais à un spécialiste que j’étais une éducatrice à l’enfance le regard changeait d’un coup, on arrêtait de me parler comme une tarte, on me parlait comme si j’étais aussi une spécialiste.
J’utilisais des mots comme »cognitif », »langagier », »développement globale de l’enfant », »période de lalation » et du coup, c’était dans la poche, le ton changeait, je trouvais ça ridiculement ridicule ! J’étais jeune, en forme et je me levais à toutes les nuits pour mon bébé pour lui donner du lait, le prendre dans mes bras quand il avait de la peine et pourtant on me regardait comme si j’avais fait quelque chose de mal… Ce n’est plus la mode d’avoir ses enfants jeunes. Il faut avoir attendu, avoir tout placé, être responsable d’un bout à l’autre, remplir les critères mais devenir maman ce n’est pas une mode, c’est une envie, une émotion qui te pogne dans le ventre, dans le coeur, dans la tête tout en même temps et parfois en désynchronicité totale… Comme dirait l’autre : C’est une quessstiooonnnnn de feeeeeelinnngggggggg ! Mais qui avouons-le par contre vient avec un lot de responsabilités. J’ai appris sur la vie sur le tas, tout en même temps mais je suis heureuse du chemin que j’ai pris…
Être une jeune maman c’est affronter des regards, c’est souvent de partir avec deux points en d’sour de la ligne de départ parce qu’il faut se bâtir une confiance en soi de béton pour vivre avec les jugements des gens. J’ai décidé de marcher la tête haute, d’être fière de ce que je faisais pour mon enfant. Ce matin, c’est la fête de mon grand. Huit ans plus tard, je peux dire que je m’ennuie de ce moment-là, mais j’aurais le goût de retourner 8 ans en arrière, me prendre dans mes bras, me bercer en me disant que le regard des autres c’est la pire chose auquel donner une once d’attention. Vous aimez votre enfant, vous faites de votre mieux… Au yâbe la crédibilité, promis elle viendra dans quelques années. Regardez votre poupon dans les yeux, parce que pour lui, vous n’avez pas d’âge, vous n’avez qu’un amour infini dans la pupille, c’est ce regard qui est le plus important et rien d’autre. Point.