Ahhhh pauvre bébé… Ça, je ne suis juste plus capable de lire ça, d’entendre ça… Je déteste cette phrase-là pour mourir… Quésé ça »pauvre bébé » ? Deux mots utilisés à plein de sauces dans plein de contextes qui n’ont pas rapport et qui, sans le savoir, viennent me heurter comme ça ne se peut pas… Il n’y a rien qui me fait plus suer que lorsque que quelqu’un dit à mon bébé »pauvre bébé » alors que mon bébé n’est pas pauvre pantoute… Ça vient toujours avec un ton de pitié et une petite moue de bouche pour signifier que c’est triste, ça me frise tellement… Vous savez de quoi je parle ?
Il a la tuque sur les yeux après une heure d’auto dans laquelle il est endormi, non ce n’est pas un pauvre bébé… Il a juste la tuque dans les yeux calvaire… Il se réveille en pleurant parce qu’il a faim et papa le réconforte pendant que je m’installe, non ce n’est pas un pauvre bébé… Il pleure parce que je paye mon épicerie et que je me dépêche pour partir aller le nourrir un peu plus loin ? Ce n’est pas un pauvre bébé… Il pleure pendant un changement de couche, c’est normal, il est justement changé de couche et ça ne fait pas son affaire…Non, ce n’est pas un pauvre bébé, no worry il va bien ! Pauvre bébé quand bébé s’est endormi dans le porte-bébé et qu’il a la joue toute effouarée tellement il est bien sur sa maman C’EST NON, cet enfant-là est bien ! Oh et pas pauvre bébé pendant qu’il pleure pendant l’installation du porte-bébé parce qu’il combat son sommeil ou que je l’installe dans son banc d’auto ultra-hot parce que ça ne lui tente pas, c’est juste normal…
Bébé recrache le brocoli-poulet dans un souper de famille ? Pas pauvre bébé, sa maman s’est fait suer à faire de la purée de poulet à marde qui sent le yâbe dans la cuisine pour donner les nutriments à son enfant, ce n’est pas le temps de faire passer bébé pour un martyr de la guerre de Troie, après quelques fois, il va aimer plus la texture, il découvre, il apprend, garde ça dans ta tête… Lâche pas un pauvre bébé please, garde ça dans ta tête… Bébé fait de la fièvre, ok c’est bon tu peux le dire en mettant une main dans le dodo de la maman et en lui demandant si elle va bien parce qu’elle a autant mal que son coco qui souffre et il manque probablement plusieurs heures de sommeil à son compteur… Mais tsé comme ma mère dirait : Tout est dans le ton, vous savez probablement de quel ton je parle en écrivant ce billet.
En fait pas »pauvre bébé », à moins que ce soit vraiment un »pauvre bébé »…
Un pauvre bébé c’est un bébé qui est maltraité, qui manque d’amour, qui est laissé à lui-même tout le temps, qui est abandonné et pas juste quand je suis en train de servir le souper de ses grands frères qui doivent aussi manger… Un pauvre bébé ne pleure pas parce que sa maman le »maltraite » en lui changeant sa couche. Un pauvre bébé trempe dans son urine pendant deux jours parce que sa maman ne s’en est pas occupé parce qu’elle se pique dans un garde-robe au sous-sol… Ça, c’est un pauvre bébé… Un vrai pauvre bébé.
Pauvre bébé, c’est deux mots qui peuvent faire de la peine à une maman qui manque de sommeil, à une maman qui a donné de l’amour toute la nuit, qui donne toute tout le temps sans compter… Quand vous lancez ces deux mots mis ensemble, vous lui laissez croire qu’elle n’est pas adéquate et que son bébé manque de quelque chose et ça, sachez que ça peut blesser… Il y a des jours où on n’entend rien parce que tout va bien, où c’est facile de faire la part des choses, mais il y a des journées plus difficiles où ce n’est vraiment pas un bon match de mots. Ce n’est juste pas les bons mots en fait, c’est juste hors contexte…
Il y a des choses qui font un choc entre les générations… Par exemple, la housse hivernale de mon bébé ultra-perfomante où il est plus au chaud que moi, mais qu’il y a toujours une madame pour me dire que »mon pauvre bébé » doit avoir frette pas de manteau… Je suis une mère intelligente et renseignée, promis que mon bébé va bien… Alors qu’on va se le dire, je capote juste à l’idée de penser que ces mêmes femmes sortaient de l’hôpital avec bébé sur les genoux sur le banc avant de la voiture sans siège d’auto… C’est ben correct, les temps changent, mais please, ne vient pas me dire que mon bébé est un pauvre bébé dans sa chancelière pis son banc de bébé à l’épreuve des balles qui coûte à peu près le prix de ton char en 1980… Je respecte ton époque, respecte la mienne et sa belle évolution… Je pète pas une coche, je relativise.
En deux jours, j’ai entendu deux pauvres bébés qui n’étaient pas adressés à moi dans une rencontre, j’ai répondu : On ne dit pas ça »pauvre bébé » et étrangement ça m’a soulagé… Je suis entourée de mères exceptionnelles qui font leur possible et qui ne méritent pas qu’on caractérise leur poupon de pauvre alors qu’ils sont si riches d’avoir les meilleures mamans les plus dévouées que je connaisse et qui donnent sans compter… Le poids des mots peut être lourd, parfois plus pesant que d’autres, mais il faudrait savoir bien les utiliser correctement dans la parentalité parce que tout le monde fait son possible…
Remplace ça par »tu es bonne, lâche pas… », par »bébé d’amour, c’est normal d’être fâché, c’est plate embarquer dans son banc d’auto », par »Ta maman change ta couche pour que tu sois bien… ». Rends tes mots utiles, rends tes mots efficaces, demande si tu peux donner un coup de main si la maman a les bras plein de sacs d’épicerie avec ses trois enfants dans un parking au lieu de lâcher un »pauvre bébé ». Laisse ton jugement dans ta penderie le matin pis sors ta compassion, ça va rendre le monde meilleur, ça va rendre le monde plus doux….