Il y a quelques mois, je me suis couchée sur le dos et bien évidement, mes seins qui cachaient mes pieds quand j’étais debout jouaient à «qui va arriver dans le dos en premier». Puis, je m’assois, c’est vrai (!!!) je m’étais promis de faire mon examen des seins avant de me coucher. Pourquoi cette idée de génie à 23h le soir ? Parce qu’il me semble que j’avais entendu parler la merveilleuse Mitsou à la radio de l’importance de le faire. Je sais que ce n’était pas dans la semaine de sensibilisation parce que je me suis dit que je devrais peut-être faire mon examen des seins plus souvent. Je me suis assise dans mon lit comme si j’allais faire mon devoir de citoyenne en me disant qu’en étant prévoyante je ne trouverais rien. J’ai cherché sur internet la méthode pour faire l’examen des seins et, de façon assez débutante je suis partie à tâtons dans le noir à la recherche de quelque chose dont j’ignorais totalement la forme, la consistance, l’emplacement en me disant que si j’étais chanceuse, ça ferait un bruit de klaxon ou quelque chose du genre pour m’avertir.
Puis, près du mamelon droit, un endroit propice pour le développement d’une masse j’ai senti quelque chose de dur. Je me suis dit de ne pas capoter, je devais être parano… Puis j’ai tâté plus, c’était une masse d’environ 2 centimètres de large, elle s’agrippait très bien entre mon pouce et mon index, je me rappelle j’ai dit :«Ahh Fuck…. », j’avoue, c’est un mot pas gentil mais je n’avais pas envie de lâcher un «Zut de flûte». J’ai demandé à mon chum de regarder pour être certaine que je ne capotais pas pour rien, mais lui aussi m’a dit qu’il n’aimait pas ben ben ça. Le lendemain, j’ai appelé au sans rendez-vous et j’ai pu avoir une place avec une femme médecin. Je n’avais presque pas dormi de la nuit. J’avais plusieurs symptômes, une ou deux petites gouttes le liquide blanc, la peau plus rouge (ben c’est clair, j’ai tellement tâté la boulette que ma peau était au vif!), bref, je braillais ma vie. Vous me trouvez intense ? Pour vrai, je pense que trouver une masse dans un sein c’est dans mon top 5 des émotions pas agréable dans la vie d’une femme.
Même si je ne voulais pas, mon hamster s’est mis à rouler comme rarement avec des «et si…». J’essayais de me détendre mais je me suis mise à brailler en pensant à mes enfants. La machine du cerveau était enclenchée. Je suis arrivée dans la salle d’attente de la clinique, j’ai attendu mon tour avec impatience en tentant de me changer les idées en me disant que comme la fois des ganglions enflés du petit ce ne serait rien. La médecin m’a appelée, elle m’a tout de suite dit qu’on allait regarder ça… Elle a agrippé mon sein et je lui ai montré l’emplacement elle a coincé la masse entre ses doigts plusieurs fois et je sentais dans ses yeux une inquiétude. Elle a enlevé son gant et s’est assise avec son crayon, elle était vraiment gentille et elle m’a dit qu’il fallait faire une demande en imagerie pour voir ce que c’est. Je sentais qu’elle ne voulait pas m’effrayer mais que la bosse ne semblait pas être juste le fruit de mon imagination. Je me souviens, elle a écrit quelque chose qui voulait dire «rapidement» sur la prescription.
Je ne sais pas comment le cerveau fonctionne, j’avais l’impression comme dans les publicités à la télé, c’est une fois les tests passés et que le médecin annonce le cancer que le monde s’écroule. Je ne suis peut-être pas normal, j’ai peut-être trop d’imagination mais pour moi le stress était déjà bien enclenché. Je me suis dit que ça serait rapide, qu’il faudrait voir rapidement ce que c’était pour pouvoir traiter si cancer il y avait. J’ai appris que c’était 6 mois d’attente à l’hôpital. J’ai appelé pour prendre rendez-vous et on m’a dit que c’était 4 à 6 mois d’attentes mais… que si je payais mon examen… je pouvais avoir un rendez-vous en début de semaine prochaine. Je ne suis pas riche, je n’ai pas d’assurances privées et j’ai eu l’impression que quelqu’un essayait de jouer avec mes émotions. Une masse au sein, ce n’est pas un ongle incarné (quoi que ça fait mal en titi), ce n’est pas une affaire d’argent non plus. J’avais cette masse qui me serrait la poitrine et que je regardais dès que j’embarquais dans le bain ou que j’allais à la salle de bain, j’y pensais toujours depuis juste 3 jours, je ne pouvais pas m’imaginer m’inquiéter aussi longtemps sur mon état de santé alors que ce que la dame au téléphone me disait c’est «Si vous crachez du cash il y a de la place pour vous, sinon rongez votre frein !».
Je trouve fabuleux toute cette sensibilisation autour de l’examen des seins, je trouve qu’on est dans une belle société de prévoyance mais qu’après, on nous laisse à nous-même. Quand on trouve une masse, on ne sait pas toujours depuis quand elle est là, on se dit juste qu’on veut savoir au plus sacrant ce qu’elle cache. J’ai de la peine de voir notre système de santé aller. Je ne suis pas pauvre, je suis de la classe moyenne mais j’ai l’impression que plus ça va aller, plus les gens devront fouiller dans leurs poches. J’utilise très peu le système médical, pourtant je paye de l’impôt comme ce n’est pas possible, je paye cette mausus de taxe santé à tous les ans pour ma famille, pourtant quand j’en ai besoin, je dois toujours fouiller dans ce qu’il me reste. J’ai l’impression d’acheter un frigo sans avoir le service après-vente quand ça pète. C’est ce qui fait que socialement on se découd, qu’on perd de notre solidarité, c’est parce que parfois j’ai l’impression que je paye pour les autres mais qu’il n’en reste plus une fois mon tour arrivé.
Je n’avais pas envie d’embarquer dans ce nouveau système à deux vitesse imposées, j’ai réfléchi, mes amies m’ont toutes tâté la masse pour mieux me conseiller, elle était tellement là qu’elles me disaient toute : Reste pas avec ça, je suis inquiète… Donc, ce que j’ai fait, j’ai fouillé dans ma poche pour payer l’échographie, j’ai fouillé pour avoir la tranquillité d’esprit et rester productive dans toutes les sphères de ma vie, j’ai acheté la paix pour ma santé mentale. J’ai passé ma carte-débit en ayant l’impression qu’on riait de moi et de mes inquiétudes. Heureusement, après le 15 minutes d’observation, le technicien m’a dit que ce n’était pas une masse dangereuse bien qu’elle semblait l’être au toucher, que les écoulements étaient probablement dus au fait que j’étais conseillère en allaitement et que mon cerveau continuait d’envoyer des signes de production à mon corps.
La cause du cancer du sein c’est une cause extraordinaire et de voir que des femmes comme Mitsou Gélinas arrivent à créer une tendance comme celle de faire son examen des seins en tentant d’augmenter le faible pourcentage (22%) des femmes qui pensent à le faire je trouve cela magnifique dans une société qui va vite comme la nôtre…
Mais j’avoue que comme bonne mère de famille je crois qu’une fois la ligne de prévention faite, il faudrait peut-être construire une deuxième ligne d’attaque pour passer à l’offensive si méchante ou tannante masse il y a.
J’avais fait la bonne chose, fait mon examen et pourtant l’écho n’a pris que quelques minutes pour me rassurer. Vous me direz peut-être que collectivement, vous êtes contents de ne pas avoir payé cette échographie puisqu’il n’y avait rien, mais je trouve que le message que ça envoie c’est : faites votre devoir de citoyenne, votre devoir envers vous-même puis si vous êtes inquiètes, sortez votre carte de crédit, vous savez la santé ça n’a pas de prix, allez, sortez votre carte pour éviter les « j’aurais dont dû… » Soyez prévoyante d’un coup que… Je n’aime pas cette façon de voir les choses, elle me démoralise et m’inquiète pour l’avenir de mes enfants mais aussi de ma mère, de mes tantes, de ma grand-mère, des mamans qui n’ont pas les moyens de se payer des échographies au privé alors que visiblement il y a des plages horaires de libres pour celles qui peuvent se payer des inquiétudes…
P.SJe me mets dès maintenant une alarme dans mon cellulaire pour qu’une fois par deux mois j’y pense… Ça prend 5 minutes de rien… À toutes les fois que je le ferai, je mettrai une photo #jelefais sur instagram, je me dis qu’en gang, nous allons nous le faire penser parce que ce n’est pas notre drôle de système de santé qui m’empêchera de tout faire pour rester en santé, vous me suivez ?