J’habitais la rue de L’Anse, une rue remplie d’enfants dans les années 90 qui avait la cote à L’Épiphanie. Chaque maison ou presque avait des enfants et à tous les jours, on entendait des jeunes rire, crier, pleurer, se chicaner, s’obstiner et rire encore. À ce temps-ci de l’année, les cloches pieds se faisaient aller, la rue ressemblait à une cour d’école. Deux buts, des bâtons de hockey, un pogo-ball, deux trottinettes, des tas de craies pour se faire des marelles. On droppait nos mitaines dans le milieu de la rue pour sauter dans la corde en chantant Crème-à-la-glace-limonade-sucrée…
Les voitures ne roulaient pas vite et si elles avaient roulé trop rapidement, elles auraient frappé un but de métal sur leur beau char-neuf alors, dans la rue de L’Anse, les voitures ralentissaient. Les enfants avaient le contrôle de la rue et c’était le bonheur. Vers 17h, certains parents revenaient travailler, ils nous envoyaient un bisou et rentraient faire le souper. Nous restions dehors à chanter As-tu-déjà-monté-dans-une-échelle-quelle-couleur-était-elle-sans-regarder-sur-toi-ni-sur-les-autres. Il n’y avait pas d’adulte dans la rue qui réglait nos chicanes ou surveillait, nos parents faisaient le souper et nous appelaient pour aller manger…
À tous les printemps, je suis nostalgique de ma rue de L’Anse, j’aurais aimé que mes enfants vivent les années 90. Comme maman, je ne vis plus sans inquiétude à laisser mes enfants seuls dans la rue. Les enfants y sont tellement rares que d’en croiser un me rend presque inquiète. Je me demande s’il est perdu, s’il a besoin d’aide, s’il cherche sa maison. Les voitures regardent moins, c’est si rare de voir apparaitre une corde à danser au coin d’une rue. Les enfants ne font plus partie du paysage au printemps.
Ils ne se regroupent plus en masse pour jouer, pour être visibles. Je dois me parker dans la rue pour surveiller les miens avec leurs vélos, je le vois, les gens tournent et font le saut de les voir. LES GENS FONT LE SAUT DE VOIR DES ENFANTS JOUER DANS LA RUE, vous rendez-vous compte ?!?! Chaque enfant est dans sa cour avec sa piscine, son carré de sable et ses parents. Le bonheur ne goûte plus le même, le printemps n’a plus la même saveur.
Je me questionne comme parent… De quelle façon est-ce que nous pourrions faire retourner la roue dans l’autre sens ? En deux petites décennies de rien du tout, les rues et les parcs se sont vidés. Ça prend des dos-d’âne pour faire ralentir les voitures alors qu’avant, étrangement c’était mes amies et moi qui jouions dans la rue qui servaient de flag pour faire ralentir les ados qui roulaient trop vite.
Je nous questionne aussi comme société à savoir s’il faudrait règlementer le plaisir. Les gens fonctionnent maintenant par motivateur, par pancartes, par règlements municipaux. Ce printemps, j’aimerais redonner le contrôle de la rue à mes enfants et leurs amis. J’aimerais que ce soit logique, que je puisse faire le souper pendant que mes enfants trottinent dans la rue en dessinant sur l’asphalte sans que je sois inquiète pour leur sécurité. J’aimerais que ce soit normal que les amis se disputent dans la rue, se crient après, fassent un compromis et trouvent une solution seuls, sans parent pour jouer au médiateur…
J’avoue, je suis entre deux chaises, entre deux générations, entre l’enfance que mes enfants vivent et celle que j’ai vécue, je cherche la bonne chaise, je cherche le juste milieu, celui qui n’existe pas parce que ma rue de l’Anse des années 90 était parfaite, c’est la société autour qui a changé et qui n’est plus la même… Et si cet été, tranquillement, ensemble nous redonnions le contrôle de la rue aux enfants ? Peut-être pas toute en même temps pour ne pas donner un choc à la société mais peut-être en retournant doucement la roue de bord ? … Pour que le printemps retrouve sa déstructure et sa flexibilité qui rendait le bonheur tellement facile, tellement simple, tellement toute…
Julie says
12 avril 2016 at 13 h 37 minPour ma part, je crois que le problème maintenant, c’est qu’après l’école, c’est le temps des devoirs. L’été ? Camp de jour! Il ne reste que la fin de semaine. Moi aussi jeune, la fin de semaine, je partais à vélo, pas de casque sans tenir le guidon, et habitant au lac, je descendais même dans le village de l’épiphanie, du temps qu’il n’y avait même pas de piste cyclable. … Ma mère capotait… Et je la comprend aujourdhui…
Ma rue est familiale, beaucoup d’enfants, mais je suis terrorisée à l’idée de le laisser partir seul à vélo. Jouer en avant ? Pas de place les autos sont toutes stationnées dans la rue et un enfant assis par terre à dessiner n’est pas visible.
Par contre, je suis contente qu’ils jouent au moins dans la cour. Car on a un autre problème de société aussi… Génération tablette ! CA ne jout plus dehors, CA jout sur les tablettes. Quand ce ne sont pas LEUR tablette. Je vais dans une fête d’enfant et après 10 minutes ils sont tous sur leur iPod, tablette et cie… Et le mien vient me voir en me demandant mon téléphone…
Josée says
12 avril 2016 at 13 h 41 minwow, super réflexion Geneviève encore une fois ce matin. Je suis de celle qui est chanceuse puisque ma rue est très calme point de vue circulation avec 3 garderies familiales. Quand les enfants de ses gardiennes arrivent d’école, ils restent dehors avec leur mère et toute la petite marmaille. Je compte au moins 3 filets de hockey et 3 filets de basketball dans mon petit tronçon. Il faut littéralement zigzaguer à 2km/h pour réussir à se rendre jusque chez nous en revenant de travailler. Oublie ça s’il te manque quelque chose pour le souper, c’est moins compliqué de changer de menu que de ressortir. L’été, j’ai une gang de petits gars qui cours d’un terrain à l’autre avec leur fusils. Les cours sont ouvertes et les enfants circulent un peu partout. Mes filles me reviennent des fois »j’ai été chez un tel (aucune idée c’est qui) au bout de la rue faire de la trampoline », des fois je sors dehors et il y a des enfants inconnus dans ma propre cours LOL . Tu as parfaitement raison que c’est sain et j’adore ça. Tout l’inverse de mon enfance à Montréal en logement sur une rue passante. Donc, garde espoir ma belle Geneviève, ça l’existe encore les années 90 dans certains secteurs !!!
Sonia plouffe says
13 avril 2016 at 1 h 35 minTu m’as rendue nostalgique Geneviève et ça m’a donné une idée…Comme tu le sais, je suis éducatrice à l’école de ton fils, donc je connais aussi plusieurs parents. Je serai, sous-peu, résidente officielle de Crabtree.Pourquoi ne pas voir avec la municipalité, si nous ne pourrions pas faire une journée spécialement dédiée aux jeux dans la rue avec les enfants, genre: » Dans la rue avec nos enfants…JOUONS! » Ou un autre titre plus accrocheur?…une journée où tous les enfants de Crabtree se donneraient rendez-vous dans la rue pour vivre un instant que NOUS avons déjà vécu. On pourrait y ajouter des trucs flyers… Des prix de participations afin d’encourager les jeunes et les parents à ressortir des cours et des sous-sols…on dirait que plus que j’écris, plus que je m’emballe….je suis de même ..moi aujourd’hui…bref l’idée est de reinstaurer cette manière de vivre comme dans le temps…en tk, si l’idée te tente et que tu crois que ça pourrait être réalisable, fais-moi signe…je suis partante pour cet été…je suis libre?
Julie says
13 avril 2016 at 4 h 04 minJe comprends ce que tu dis. Quand mon fils était en 2e année, j’ai commencé à travaillé à temps partiel. J’avais tellement hàte de lui laisser du temps pour jouer dehors avant de rentrer faire ses devoirs, on allait être moins à la course et il allait plus jouer dehors. Mais en arrivant à la maison, les premiers soirs à 3h45…. personne dans la rue, On va au parc à côté, personne… Les autres soirs je vais le chercher à pied et on passe par un parc où beaucoup d’autres enfants passent… Mais ils n’ont pas le droit d’y jouer, ils doivent se rendre à la maison. Après un certain temps, mon fils m’a demandé de rester au service de garde tous les soirs pouvoir voir ses amis! Les autres parents travaillent. L’été c’est la même chose, je suis enseignante, quelle joie pour moi de passer l’été avec mes enfants!!! mais eux, ils s’ennuient!!! tous leurs amis sont au camps de jour parce que les parents travaillent. Je crois que c’est la raison de ce que tu observes.
Isa says
13 avril 2016 at 12 h 07 minTellement vrai, moi aussi ma rue à l’Assomption était une cour d’école…et tellement vrai nos parents n’étaient pas là à toujours régler nos conflits et les portes paniers étaient très mal vus. Moi cet été j’ai décidé pas de camp de jour. Il se fera garder par la grande fille de la rue et plusieurs parents font la même chose sur ma rue. Plusieurs enfants se retrouveront donc avec la même gardienne cet été. Résultat, il va socialiser avec les jeunes du cartier. En plus, on est nouveau dans le cartier. Mon garçon a dix ans et à cet âge, les jeunes sont plus difficiles d’approches…de nos jours. En plus, lorsqu’on est arrivé dans notre nouvelle maison, cela a pris plusieurs mois avant de se rendre compte qu’il y a des enfants dans presque toutes les maisons, c’est triste. Moi mes enfants aiment jouer dehors et c’est nous en tant que parents qui avons transmis cet intérêt. Jeune, on était dehors avec eux, faisaient du vélo, des pique-nique, allaient au parc. En tant que parents, laisser votre ménage du samedi de côté et sortez jouer dehors avec eux, apprenez leur c’est quoi la vrai vie lorsqu’on est un enfant. Faites le défi aucune bébelles électroniques de toute la belle saison! Je vous met au défi pour vous mêmes et pour vos enfants…